Femme dragon, inconfortablement assise
entre ses jambes, sa longue queue entremise.
On pourrait croire que le noir de ses ongles
est l’obscur fruit d’une dévotion profonde
pour le désossage des nuits insondables,
pour boire ce que les mots ont d’insatiable,
pour rendre hommage à sa plus belle destinée :
Faire frôler l’homme avec les divinités…
Mais peut être que…
Femme dragon n’est qu’une obscène image
de ce qu’on ombrage sous le coup de la rage.
Si a l’origine de la rage était la peur,
et que le feu est de la bravoure l’âme sœur,
alors les écailles reluisantes enflent,
l’ego par l’effet miroir de la semaison.
De sa maison le toit qui étouffe le brasier
et la fumée est la menace sortant du nez.
Je n’aurai pas la lâcheté de me trahir
cri Andromaque échouant à l’envie de fuir.
Elle teinte ses ongles de noir, revêt la nuit,
empoigne la queue du dragon qui la séduit
pour clouer d’étoiles et de lune pleine,
pour que la nuit tienne, pour que la nuit tienne.
Et si la nuit ne tient pas mais qu’elle écrase ?
Femme dragon toussera un sombre présage :
Tout sera peine et ombre, puis, la pénombre.
Sans relief, même la nudité succombe.
Comment rendre la flamme à nouveau mondaine ?
Pour que la nuit tienne, pour que la nuit tienne.
Comment s’élever dans un élan de survie,
avec des pauvres ailes de chauve souris ?
Il faut mourir un minimum pour pouvoir voir,
le ridicule, et rire jusqu’à s’émouvoir.
Pour que la nuit tienne, pour que la nuit tienne.
Elle ferma les yeux, comme une envie soudaine.
Cette vitesse les déchire atrocement,
les intestins de la plaine, vociférant.
C’est risqué de tourner ainsi le paysage,
faire virer comme un manège le bocage.
La place 117, 118, un enfant,
le sursaut, en contre-sens d’un train foudroyant.
Je m’enfonce avec la désinvolture de qui
face au destin scellé a toujours déguerpi.
Vite à travers des plaies, des fermes, des tunnels…
Bercée par des rengaines circonstancielles.
J’esquive la responsabilité du temps,
et le lui impute au chauffeur avec soulagement.
Après quoi court-on sans raison apparente ?
Nul ne répond à ma place… Moi, la 130.
Le Creusot, Monceau les Mines, Montchanin, tout,
fait appel à bêcher, foncer, fouir, fuir…. la boue !
Mes vomissements ne vont attendre l’effroi,
lacées mes entrailles comme des mailles en fil de soie.
La célérité musèle la surprise,
et la nausée est une question de lâche-prise.
Sont a confondre vitesse et précipitation
car les deux mènent trop tôt à destination.
L’absence de risque affaiblit le courage,
écrit Simone Weil dans son ouvrage,
laisse l’âme sans protection intérieure,
sans la moindre carapace contre la peur.
Mais le risque est partout, tant dans la goutte de sel,
qui peut devenir du chagrin larme mortelle.
Je veux risquer les boucliers aux marais salants,
les retourner et remplir comme des seaux d’enfants,
construire un château blanc comme la neige, patiemment,
puis le détruire par le courage en assaillant.
Comment se répercute dans l’air ce micro instant,
où la tête du train ôte cette vie la percutant ?
Est-ce que le souffle, l’exhalation ultime
trouve-t-elle refuge dans un espace intime ?
Dans l’aine de l’air, dans son sanctuaire utérin,
un temps d’écho enragé contre son destin ?
Le chevreuil, a-t-il eu le temps de percuter
qu’on percutait ainsi son souffle écourté ?
Une voix laconique fait l’annonce fort bas :
Chers passagers, la dernière bouffée, où elle va ?
Un voyageur aimant la farce, cri enflammé :
Elle finira dans mon estomac affamé !
Avec un fil de voix à peine perceptible,
une veille dame à l’âme sensible
susurre que le dernier soupir a mué,
trouvé abri dans ton esprit en tant qu’idée.
Grâce à cette parole l’haleine perdure,
le temps de fuir vers l’oubli par la rainure.
Nursery des frissons, du claquement de dents,
le souffle du chevreuil, s’en va avec le vent.
Les notes ruissellent durement sous le hall de la gare,
ce qui m’importe est le son qui me rappelle l’art,
l’art de n’importe quoi qui fait vibrer au fond,
mes pores percés avec des couteaux en coton.
Tonton de la nostalgie, mère du ressenti,
ces notes font du moment banal un démenti.
J’ai presque hâte de sentir la touche sous mon doigt.
Je dis presque, car la frustration mine des fois,
la beauté de ce qu’un génie a pu forger,
et que mes mains sont capables de saccager !
La musique qui pique-nique le sel dans mon oreille.
A l’instar du bris de vague, chanson pareille.
Un air qui guide Chopin avec moi vers le train,
puis, on s’installe doucement se tenant la main.
Ces derniers jours je m’exerce au « slamexandrin »,
une pratique poétique que je joue dans les trains.
Balader mon élan avec des mots factices,
peigner avec la parole ce qui se hérisse.
J’ai écouté aujourd’hui la tristesse d’une femme,
elles étaient tiraillées deux parts de son âme.
Sentir ce qui est vrai chez l’autre à l’instant,
me connecte à la force du vivant, brûlant.
Ruminons la beauté, avec tracas,
car la somptuosité dort où ça ne va pas.
Si j’avais vu affleurer en moi cette haine
qui s’enchaîne et se déchaine,
qui, dans mes muscles s’élance, en glaçon, en fer de lance.
Acculée, j’ai reculé, un pas, cent pas jusqu’au fossé,
j’ai regardé et j’avais encore de la marge à ausculter
Acculée, j’ai reculé encore plus et gagné l’intervalle
qui dévoile l’obscurité et la dureté de la dalle
Acculée, j’ai reculé et enlevé des couches de peau,
rester fine et cristalline, être aimée pour de faux
J’ai voulu trouver ma juste place
entre l’angoisse et la menace
et sous un souffle automnal,
je me suis effeuillée, j’ai posé une à une,
le respect, l’estime et l’intégrité.
C’est ainsi que je les ai nommées, mes feuilles égarées.
Je suis devenue rongeur, rongeur d’âmes et de membranes
rongeur d’ongles, d’honte, de remords et de retords.
Je suis devenue crabe, reculant dans des sables mouvants,
pris en flagrant délit sur un crime non commis.
Si j’avais vu affleurer en moi cette haine
qui s’enchaîne et se déchaine,
qui, dans mes muscles s’élance, en glaçon, en fer de lance.
J’aurai cru dans ce tigre qui s’aiguise la moustache, sans relâche.
Il le sait, il n’y a plus de dresseur qui ferme la cage, la nuit, pour ce tigre en rage.
Le geôlier est tombé, dans le fossé, dans ce trop plein de nudité.
Ton image vient réveiller cette fatigue qui m’intrigue.
Languide, elle migre, brigue le sommet sans guide, et… fige.
Je n’avais pas remarqué cet étincelle
qui a trouvé dans cette exhalation son exaltation.
Une flamme, feu, foyer, frénésie, enfer.
Un fer de lance pour s’emparer de mon errance.
Dans ma quête de la communication, je me pose la question :
raison, logique, formule quantique, argumentation, explication ?
Quel est le chemin de la compréhension ?
J’ai voulu croire que la réponse était en lui,
ce mystère, en colère, ou juste austère,
puis argumenter : c’est parce que, c’est toi aussi, le pire c’est lui…
Mais il ne veut rien entendre, et blessé il baffe, il chasse, il claque,
et je les prends, les cliques et les claques, les obstacles, je me casse,
et je le prends le large en bateau, avec moi en pauvre matelot, dans cet orage,
sans courage, prise en otage
dans cette tourmente, avec les voiles endiablées,
de revanche, reproches, les pétoches.
Qu’est ce que le monde est moche !
Et dans le comble du désespoir, dans une vague, mon miroir.
Petit matelot apeuré dans une mer de larmes salées…
Choquée moi, je choque les voiles
et je constate le frémissement ardent de la toile cédant à la ferveur du vent
qui fustige, la houle qui galope, le courant qui drosse.
Et mon bateau, comme si de tout y était,
flotte, dans cette constellation enivrée.
Je constate en moi le chaos, ce fatras, quelle zizanie, un vrai foutoir
mais quelle commotion !
je me sens plus calme dans cette révélation.
Bien, Capitaine, nous avons retrouvé un ancrage, lâchez la rage !
Pourquoi convaincre si son chancre n’est pas à vaincre ?
plutôt à plaindre,
voici l’Amer,
nous allons accoster pour le rejoindre.
Fouillons à l’intérieur pour trouver un outil propice, complice, sans feux ni artifices. Tiens ! le tourmentin, bout de tissu, qui accepte que de rien sert contrer
mais d’embrasser, stabiliser.
Hissons-le et mettons le cap vers lui qui corrige, qui exige, qui inflige et oblige
le manageur, le père, la collègue ou la mère, le petit frère en colère.
Nous naviguons à l’aube sous ce ciel mauve,
nous attendons qu’elle se lève cette déesse de la crédulité,
elle, qui prend soin de l’altérité, on l’appelle, oui… c’est drôle, on la connaît : c’est la curiosité.
Ses rayons me touchent, me caressent, traversent la brèche.
Je ne vois plus d’ennemi, seulement une femme, un homme, incompris.
J’essaye de pratiquer le pourquoi du pourquoi, le pourquoi du comment,
le pourquoi tu es là, le pourquoi tu ordonnes, prescrives, réclames.
Avec cette infime lumière, je descends les étages, marche à marche, dans la fente, sans abîmer cette abîme qui se brime si je juge ta routine.
J’emploie des mots, les miens, les tiens, dans un langage commun je t’ausculte intriguée pour atteindre le fond moelleux de ton être entier.
Et c’est dans l’espace du dedans que Michaux retrouve son camp,
le besoin, lacérant, gesticulant
qui pousse et pousse dans un univers malentendant.
Mais si j’approche mon oreille j’entends la détresse,
j’apprends la confession du nourrisson, la nécessité, jamais si loin,
qui implore inlassablement son allaitement.
Oh, mais moi aussi, pauvre paillasse en chausson, on dirait un paillasson.
Où j’en suis quant à lui ?
Et la mèche, dans ma brèche elle est tout sauf sèche !
Oh mon capitaine, une écoute, d’un extrême un nœud de chaise
où assoir mon têtard, le remonter à la surface,
face à face ma nudité.
Et je l’offre : Le voilà ! il est à toi, comme il est à moi.
Nous sommes là, des apprentis escrocs de la pensée binaire.
Dans ce bled, il faut ouvrir la gueule car le souffle insuffle le dénouement, attendons,
il arrive à tatillon,
puis se pose
comme un flocon.
Mon frère ! j’ai plus soiffe, on a lustré la relation, attisé notre émotion.
J’attire ton attention, ça c’est la révolution !